La TVA sur les loyers professionnels

Photo DDW NBLa Belgique est l’un des derniers États européens où il n’est pas possible d’opter pour l’application de la TVA à la location immobilière, avec pour conséquence que le prix des loyers est structurellement poussé à la hausse.

Comme je vous le disais il y a de cela quelques semaines, ceci devrait changer au 1er janvier 2019, date à partir de laquelle l’assujetti belge devrait pouvoir opter pour soumettre à la TVA les loyers relatifs à ses immeubles commerciaux.

Le nouveau régime permettra au bailleur qui facture la TVA sur le montant du loyer de déduire la TVA payée en amont sur le coût de ses travaux de construction et de rénovation.  Le locataire pourra lui récupérer la TVA mise sur son loyer, dans la limite de son droit à déduction.  S’il dispose d’un droit à déduction total, la mesure sera neutre pour les deux parties, permettant une économie de 21% sur les coûts liés à l’immeuble.

Le nouveau régime est donc très attendu par le secteur, mais posera de nombreuses questions pratiques.  Heureusement, l’exposé des motifs est assez fourni et l’administration TVA annonce la publication de FAQ succinctes dans le courant du mois d’octobre ou de novembre, avant la publication d’une Circulaire plus détaillée lors de l’entrée en vigueur du régime.

1. Aujourd’hui, une multitude de régimes permettant de faire exception à l’application de la TVA sur la location immobilière coexistent. Certains sont prévus par la loi (location d’emplacements de parking, d’emplacements pour l’entreposage de biens, mise à disposition de chambres d’hôtels, d’emplacements pour le camping, etc.) alors que d’autres sont encadrés par des Circulaires et décisions administratives (centres d’affaires, centres commerciaux, leasing immobilier ou encore cession d’un droit réel démembré, etc.).  Ils permettent – dans certains cas et pour autant que certaines conditions soient remplies – de contourner l’exemption, ouvrant au bailleur le droit à déduction tant recherché de la TVA payée sur ses frais de construction, acquisition, rénovation, etc. de l’immeuble.

Le nouveau régime, vise à simplifier, harmoniser et rendre plus flexibles ces opérations.  C’est en tous cas ce que l’on nous promet.

2. Le projet de loi déposé le 31 juillet 2018 (et adopté en commission des finances et du budget le 27 septembre 2018) insère un nouvel article 44, §3, 2° d) dans le Code de la TVA, prévoyant que la mise à disposition d’un bien immeuble est exemptée de la TVA à l’exception :

« (…) d) de la location d’un bâtiment ou fraction d’un bâtiment, que le preneur utilise exclusivement pour son activité économique lui conférant la qualité d’assujetti, pour autant que le loueur et le preneur aient opté conjointement pour la taxation de cette location. Lorsqu’un bâtiment ou une fraction d’un bâtiment est donné en location en même temps que le sol y attenant, l’option doit être exercée conjointement par rapport aux deux biens immeubles.

L’option vaut pour toute la durée du contrat.

L’option ne peut être exercée que pour des contrats relatifs à des bâtiments ou fractions de bâtiments pour lesquels les taxes grevant les opérations visées à l’article 19, § 2, alinéa 2, relatives aux bâtiments mêmes et qui concourent spécifiquement à leur construction sont exigibles pour la première fois au plus tôt le 1er octobre 2018. Cette condition n’est pas applicable pour les contrats de mise à disposition d’emplacements pour l’entreposage de biens visée au point a), deuxième tiret pour lesquels l’option peut être exercée.  

Pour l’application de l’alinéa 1er, on entend par « sol y attenant », la parcelle cadastrale ou les parcelles cadastrales sur lesquelles le bâtiment ou la fraction de bâtiment a été érigé et qui est donnée ou sont données en location simultanément avec ce bâtiment ou fraction de bâtiment par la même personne.

Le Roi détermine le moment auquel l’option doit être exercée et les formalités à observer ; 3° à 14° ».

Il s’agit donc d’une (nouvelle) exception à l’exonération applicable à la location immobilière, qui reste la règle.  Cette exception constitue la mise en œuvre de la possibilité prévue en ce sens par l’article 137, §1er d) de la Directive TVA.

Les autres exceptions à l’exemption sont maintenues et coexisteront donc avec le nouveau régime d’option (mise à disposition d’un entrepôt ; fourniture de logements meublés ; mise à disposition d’emplacements de camping ; exploitation de ports, d’aéroports, de voies navigables; leasing immobilier, location de coffre-fort, etc.).  Le nouveau régime n’impacte par ailleurs pas le traitement TVA des locations dites « actives » (centres de services, droit d’exercer une activité professionnelles, ec.).

3. Je vous propose de faire une première analyse des conditions et conséquences liées à l’application de cette nouvelle disposition, à la lumière des premiers commentaires ressortant de l’exposé des motifs.

4. L’option sera soumise au respect de deux conditions de fond:

1) Elle doit s’appliquer tant au bâtiment qu’au sol y attenant.

La notion de « sol y attenant » reçoit pour l’occasion une définition propre à ce type d’opérations (différente de celle applicable en cas de vente d’immeubles), à savoir « la parcelle cadastrale ou les parcelles cadastrales sur lesquelles le bâtiment ou la fraction de bâtiment a été érigé et qui est donnée ou sont données en location simultanément avec ce bâtiment ou fraction de bâtiment par la même personne ».

2) Le Preneur doit être assujetti et affecter le bâtiment à des activités économiques entrant dans le champ d’application de la TVA.

2.1 Preneur assujetti

Il peut s’agir d’une activité soumise à la TVA ou exemptée de TVA.  Le preneur peut par ailleurs être assujetti partiel (c’est-à-dire qu’il effectue pour partie des activités hors champ de la TVA), dans la mesure où le bâtiment pour lequel l’option s’applique soit utiliser dans le cadre d’une activité soumise à la TVA ou exemptée de TVA.

Il n’est donc pas possible d’appliquer la taxation en cas de location à des particuliers, des holdings pures, des autorités publiques qui, même si elles ont un numéro de TVA, n’effectuent pas d’activités économiques ou des personnes assujetties qui utiliseraient le bien dans le cadre d’une activité non assujettie ou pour leurs besoins privés.

2.2 Affectation de l’immeuble

L’’immeuble visé ne peut être utilisé pour du logement.  L’immobilier résidentiel est donc exclu, sauf pour ce qui concerne la mise à disposition de maisons de repos ou de résidences d’étudiants, par le propriétaire à l’exploitant de ces maisons ou résidences.

Pour ce qui est de l’usage mixte des bâtiments, le législateur précise que la location de fractions de bâtiments ne pourra être soumise à la TVA que lorsqu’elles peuvent être « économiquement exploitées de façon autonome » :

  • Le preneur doit pouvoir « avoir accès à ces fractions de bâtiments depuis l’extérieur, sans devoir passer par des espaces qui sont exclusivement utilisés à des fins autres que l’activité économique du preneur ou d’autres preneurs (s’il s’agit par exemple d’un centre commercial ou d’un centre d’affaires). Cela n’a pas d’importance si ces derniers ont exercé l’option pour la taxation de la location de la fraction de bâtiment qu’ils utilisent ou non. L’accès à la fraction du bâtiment ne doit donc pas être exclusif dans ces circonstances».

Il semble donc que le passage par un espace commun utilisé dans le cadre de l’activité économique d’autres preneurs soit accepté.  C’est le cas rencontré le plus fréquemment dans des centres de services ou centres commerciaux.

Le fait qu’un ou plusieurs autres locataires n’aient pas opté pour l’application de la TVA à son contrat n’empêchera pas l’application de la TVA à d’autres contrats, même si les espaces communs sont utilisés pour accéder à la fraction de bâtiment.  Mais qu’en est-il si le centre de service (ou le centre commercial) accueille également un service public ou une holding pure qui n’utilise pas le bâtiment dans le cadre d’une activité économique ?  A ce stade la réponse à cette question n’est pas connue.

  • « S’agissant d’un bâtiment qui est utilisé en partie pour l’activité économique et en partie à des fins privées, il est donc possible de louer avec TVA uniquement la partie utilisée pour l’activité économique si cette partie peut être exploitée de manière autonome».
  • « L’exigence selon laquelle le locataire doit utiliser le bâtiment ou la fraction du bâtiment exclusivement aux fins de son activité économique doit néanmoins être nuancée en ce sens : un bâtiment qui est utilisé de manière mixte peut être divisé en deux parties, dont l’une est utilisée exclusivement aux fins de l’activité économique. Cette dernière peut ensuite, au travers de l’exercice de l’option, être louée avec TVA, tandis que l’autre partie utilisée à des fins privées (par exemple, une partie résidentielle) peut rester en dehors de la taxation TVA».

On suppose à ce stade qu’il faudra alors une entrée séparée permettant d’accéder à chaque partie du bâtiment.  La question des abords et des chemins d’accès pourra faire l’objet de commentaires et débats futurs que l’on imagine déjà.

5. Le projet de loi prévoit également une condition de forme: l’option doit être exercée conjointement par le loueur et le preneur.

Les formalités à remplir à cet égard seront déterminées par un arrêté royal à venir, mais il est déjà précisé « qu’une déclaration spécifique pro fisco dans le contrat de bail, confirmant la volonté des parties d’exercer l’option, suffira à démontrer, aux yeux de l’administration, que cette option a bel et bien été exercée conjointement par le loueur et le preneur ».

L’option vaut pour toute la durée du contrat de location, mais ne doit pas forcément être renouvelée en cas de prolongation ou de renouvellement du contrat entre les mêmes parties par la suite.

6. Champ d’application dans le temps

L’option ne pourra concerner que des « bâtiments ou des parties de bâtiments pour lesquels la TVA sur les travaux immobiliers, lesquels contribuent spécifiquement à leur construction, est devenue exigible pour la première fois au plus tôt le 1er octobre 2018 ».

Il ne s’agit donc pas tout à fait de bâtiments neufs au sens de la TVA.

Le principe est le suivant : seuls sont concernés les bâtiments à construire ou à profondément rénover, dont les travaux de construction/rénovation profonde n’auront pas générés de TVA exigible avant le 1er octobre 2018.

1) Raisons justifiant la limitation

La limitation est justifiée par des raisons budgétaires.  La volonté du gouvernement est d’éviter le coût lié aux révisions de TVA grevant des bâtiments existant.

2) Travaux de construction/de rénovation profonde visés

La question des travaux visés par cette limitation est évidemment essentielle : quels types de frais peuvent avoir été faits avant la date du 1er octobre 2018 sans risquer de remettre en cause l’application du nouveau régime TVA sur les loyers ?  La commission payée à l’agence chargée de trouver un immeuble ?  Les frais liés à une demande de permis de bâtir ?  Les études de sol ?

L’exposé des motifs donne des précisions bienvenues.

2.1 Construction ou rénovation profonde

Les travaux immobiliers peuvent concerner l’érection d’un nouveau bâtiment ou la rénovation profonde d’un bâtiment existant, dans la mesure où celui-ci deviendrait neuf au sens de la TVA, suite à ces travaux.

Dans ce second cas, il s’agira donc :

  • Soit de travaux immobiliers par lesquels le bâtiment ancien a subi une modification radicale dans ses éléments essentiels, à savoir dans sa nature, sa structure (murs porteurs, colonnes, planchers, cages d’escaliers ou d’ascenseurs…) et, le cas échéant, sa destination.
  • Soit de travaux immobiliers effectués au bâtiment ou à la fraction de bâtiment dont le coût, hors TVA, atteint au moins 60 % de la valeur vénale du bâtiment ou de la fraction de bâtiment auquel (à laquelle) les travaux sont exécutés, terrain exclu, au moment de l’achèvement de ces travaux.

Au sujet des conditions à remplir pour qu’un bâtiment devienne neuf au sens de la TVA, voyez ici.

2.2 Nature des travaux

Sont visés, les travaux immobiliers visant à ériger un nouveau bâtiment/rénover profondément un bâtiment existant qui ont été réalisés après le 1er octobre 2018 ou, le cas échéant, même avant le 1er  octobre 2018, mais pour lesquels aucune TVA n’est encore devenue exigible avant le 1er octobre 2018.

Les coûts liés à ces opérations comprennent exclusivement les frais de construction matériels proprement dits relatifs au bâtiment ou fraction de bâtiment

Ne sont pas visés :

  • Les opérations de nature intellectuelle ou immatérielle, telles que les prestations des architectes et géomètres, les prestations des conseillers en prévention et sécurité, les études d’incidences préalables à la construction, l’achat de matériaux destinés à la construction ou encore la location de machines en vue de la construction.
  • Les travaux relatifs à la démolition préalable intégrale d’un bâtiment et tous les travaux relatifs au sol. Il s’agit notamment des travaux de sondage, d’assainissement, de terrassement ou de stabilisation du sol, tels que les travaux de recépage.

L’exposé des motifs anticipe les cas d’abus, précisant que la « première cause d’exigibilité de la TVA » (réception du paiement d’un acompte, émission d’une facture) qui se produit est déterminante pour établir si le bâtiment pourra bénéficier du nouveau régime.  Le fait d’émettre une note de crédit pour annuler une facture antérieure au 1er octobre 2018 ne permettrait donc pas d’effacer la cause d’exigibilité de la TVA qui s’est produite à la date de la facture initiale et donc de faire bénéficier le bâtiment du nouveau régime.

L’attention est cependant attirée sur le fait que les travaux immobiliers peuvent dans certains cas être considérés comme des « services continus ».  L’exigibilité de la TVA y relative dépend alors directement de la fin de la période couverte par la facture, qui est-elle-même déterminée par le prestataire (avec une échéance obligatoire en fin d’année civile)…  Un immeuble pourrait donc bénéficier du nouveau régime TVA, même si les travaux ont débuté avant le 1er octobre 2018, si la facture y relative était délivrée après le 1er  octobre 2018.

Enfin, ce champ d’application temporel n’empêche pas que le contrat de location ait le cas échéant déjà été conclu avant le 1er octobre 2018.

3) Exceptions à cette limitation

La limitation dans le temps n’est pas applicable aux entrepôts.

Pour les bâtiments existants qui sont principalement utilisés comme entrepôt, il sera donc possible d’opter pour l’application de la TVA dès le 1er janvier 2019, y compris pour ce qui concerne les contrats en cours qui ne sont actuellement pas soumis à la TVA.

4) Naissance du droit à déduction

Qu’en est-il du droit à déduction de la TVA ?

En principe la TVA grevant les frais affectés à une activité soumise à la TVA est immédiatement déductible, même s’il s’agit de frais dits « préparatoires ».  La TVA grevant la construction, la rénovation profonde ou l’acquisition du bâtiment pourra donc être déduite immédiatement – dès qu’elle est exigible – par le loueur, dans la mesure où il destine le bâtiment ou la fraction de bâtiment à une location taxée au travers de l’exercice de l’option.

A mon avis cette règle ne s’appliquera qu’après l’entrée en vigueur de la loi.  Il me semble en effet délicat de défendre que des travaux sont affectés à un immeuble qui sera mis en location avec TVA, alors que la législation TVA ne prévoit pas encore cette possibilité…

Cela semble également confirmé par le rapport de la Commission des Finances et du budget du 27 septembre 2018 (DOC 54 3254/002).  Le Ministre y précise que « deux dates doivent être clairement distinguées : la première est la date du 1er octobre 2018, qui sera déterminante pour les immeubles pouvant bénéficier du régime de TVA optionnel, et la seconde est la date du 1er janvier 2019, à laquelle la possibilité de percevoir la TVA entrera en vigueur, et donc aussi le droit de déduire la TVA (…) ».

Il ressort du rapport que, dès le 1er janvier 2019, il sera possible de déduire la TVA grevant les frais liés à des projets pour lesquels les loyers seront soumis à la TVA.  Cela concerne :

  • Les travaux immobiliers entamés le 1er octobre 2018,
  • Tous les autres frais liés au projet immobilier, encourus avant le 1er octobre 2018 (services intellectuels, travaux relatifs à la démolition préalable d’un bâtiment et travaux relatifs au sol).

Il faut néanmoins se poser la question de savoir si ce n’est pas le mécanisme des révisions qui devra s’appliquer au 1er janvier 2019, impliquant une « perte » de déduction d’un ou plusieurs 25ème de la TVA payée sur ces frais, en fonction de l’année pendant laquelle ils ont été faits.  A mon avis, c’est bien ce mécanisme des révisions qui doit s’appliquer, sur base de la législation TVA, dès lors que la déduction se justifie par un changement d’affectation qui aura lieu au 1er janvier 2019 (la location immobilière passant du statut d’activité exemptée de TVA à celui d’activité soumise à la TVA).

7. Application d’une base minimale d’imposition (valeur normale)

Afin d’éviter les situations abusives, le projet de loi d’imposer dans certains cas que la base d’imposition soit égale à la valeur normale, à savoir la valeur du marché pour une location dans des conditions similaires.  Ce sera le cas si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :

  • Les parties ont opté pour l’application de la TVA sur les loyers,
  • La contrepartie est inférieure à la valeur normale,
  • Le preneur ne dispose pas d’un droit à déduction intégral de la TVA
  • Le preneur a des liens personnels, financiers ou organisationnels avec le bailleur. Ces liens sont ceux conditionnant l’entrée dans une unité TVA.

A ce propos, il nous paraît que la mise en place d’une unité TVA pourrait se présenter comme une alternative parfois plus intéressante que l’option pour la taxation de la location immobilière, lorsque les parties sont liées.  C’est évidemment une étude au cas par cas qui doit être réalisée à cet égard.

8. Prolongation du délai de révisions

Le délai de révisions est le délai pendant lequel, le propriétaire devrait rembourser à l’Etat une partie de la TVA qu’il aura pu récupérer sur les travaux et autres investissements liés à l’immeuble (frais de construction, de rénovation, d’acquisition), s’il modifiait l’affectation de l’immeuble (loyer taxé ßà loyer exonéré).

Ce délai, qui est en principe de 15 ans pour ce qui concerne les travaux de construction (y compris les travaux de rénovation « profonde ») ou les frais d’acquisition d’un immeuble, sera prolongé à 25 ans pour les bâtiments loués avec application de la TVA.

Cette prolongation à 25 a été vivement critiquée par le Conseil d’Etat, dans la mesure où la Directive TVA limite ce délai à 20 ans (Avis Conseil d’Etat, n° 54-3254/001, p. 56).  Le législateur justifie son choix et maintient donc le délai de 25 ans.

Le délai de révision de 25 ans commencera en principe à courir le premier jour de l’année au cours de laquelle le bien aura été mis en service (comme c’est déjà le cas du délai de révision de 15 ans), dans la mesure où cette mise en service se fait au travers d’une location immobilière soumise à la TVA.  Sinon c’est le délai de révision de 15 ans qui commence à courir.

Sans entrer ici dans des détails trop techniques, il faut déjà signaler que différents délais de révision (5, 15 et 25 ans) pourraient coexister pour un même bâtiment, en fonction du type de travaux et de l’affectation donnée à l’immeuble ou partie d’immeuble dans le temps.

Si, par exemple, le bâtiment n’est pas immédiatement affecté à de la location immobilière taxée, mais qu’il le devient dans le courant des 15 premières années de sa mise en service, le délai de 25 ans (prolongation du délai de 15 ans à 25 ans) deviendra applicable.  Si cette utilisation dans le cadre d’une location immobilière soumise à la TVA ne devait avoir lieu qu’après les 15 premières années, cette modification ne pourra par contre pas relancer le délai de révision initial qui est déjà définitivement écoulé à ce moment étant donné que toute la TVA initialement déduite a été définitivement soumise à révision.

9. L’impact des incidents survenant au cours du contrat de location

La question est évidemment de savoir ce qui justifierait de devoir réviser la TVA déduite initialement et/ou ce qui empêcherait cette déduction initiale.

L’exposé des motifs précise à cet égard que :

  • Si les parties décident d’opter pour l’application de la TVA et que le locataire modifie l’affectation des lieux en cours de contrat, le contrat ne serait plus soumis à la TVA et le propriétaire devrait réviser la TVA initialement déduite.  Ce sera le cas par exemple si le locataire utilise le bâtiment à des fins privées (pour du logement par exemple) ou si le preneur est une autorité publique qui réaffecte le bâtiment aux fins de son activité économique qui ne lui confère pas la qualité d’assujetti.

Il faudra y être attentif dans le cadre de la rédaction de ces nouveaux contrats de bail et prévoir que le propriétaire puisse se voir dédommager par un locataire qui changerait unilatéralement l’affectation des lieux.

  • Aucune révision ne devra avoir lieu par contre pour les périodes au cours desquelles le bâtiment est resté inoccupé avant un premier bail soumis à la TVA ou entre deux périodes de location avec application de la TVA.

Ce principe est applicable pour autant que le loueur soit de bonne foi et démontre de manière raisonnable qu’il a entrepris des démarches suffisantes en vue de louer son bien avec application de la TVA mais que le bien est resté inoccupé du fait de circonstances indépendantes de sa volonté.

  • Aucune révision ne devra non plus être opérée dans l’hypothèse où l’inoccupation résulte de circonstances qui empêchent l’exercice normal de l’activité économique du preneur ou d’un futur preneur et qui entraînent une interruption ou une suspension du contrat de bail.

Est notamment visée l’inoccupation suite à des cas de force majeure tels que des calamités ou des incendies. Est également visée l’inoccupation suite aux travaux de transformation ou de rénovation du bâtiment ou de la fraction de bâtiment, entrepris par le bailleur ou le preneur, dans le cadre du bail en cours ou en vue de conclure un nouveau bail avec application de la TVA au travers de l’exercice de l’option.

  • Enfin, aucune révision ne devra être effectuée en cas de périodes avec application d’un loyer gratuit, offertes au locataire sous forme de remise commerciale en vue de conclure un contrat de location.

10. Entreposage de biens

Actuellement la location d’un immeuble destinée à l’entreposage de biens est soumise à la TVA, dans la mesure où l’entrepôt représente effectivement 90% au moins de la surface ou du volume total du bâtiment.  Il faut donc que l’espace de bureaux (et les espaces similaires) dans le bâtiment ne dépasse pas 10 % de la surface ou du volume du bâtiment.  C’est en tous cas la position de l’administration fiscale, maintes fois suivie par la jurisprudence.

1) Elargissement de la notion d’entrepôt

Le projet de loi élargi les contours de la mise à disposition « d’emplacement destiné à l’entreposage de biens », puisque dès le 1er janvier 2019, la notion visera à « la mise à disposition d’emplacements utilisés pour plus de 50 p.c. pour l’entreposage de biens, à condition que ces emplacements ne soient pas utilisées pour plus de 10 p.c. comme espaces de vente » (nouvel article 44, § 3, 2°, a), alinéa 2 du Code de la TVA).  Le reste de l’espace peut donc être affecté à d’autres activités, telles que la manutention et la transformation de biens.

2) Nouveaux contrats

Le projet de loi prévoit que, dès le 1er janvier 2019, les nouveaux contrats de location d’emplacement destiné à l’entreposage de biens (sur base de la notion élargie) ne seront obligatoirement soumis à la TVA que s’ils ne peuvent pas faire l’objet d’une option pour l’application de la TVA. Ce sera par exemple le cas dans des situations B2C.

Il sera cependant possible d’opter pour appliquer la TVA, même à des immeubles dits « anciens ».  Il ne sera donc pas exigé, pour l’entreposage, que la TVA grevant les frais de construction soit devenue exigible à partir du 1er octobre 2018.  Cette distinction par rapport aux autres bâtiments est justifiée par le « handicap concurrentiel » que la Belgique accuse actuellement par rapport à d’autres pays dans le cadre de l’e-commerce, et qui entraîne un déplacement des prestations de mise à disposition d’emplacements pour l’entreposage de biens vers d’autres pays.

3) Contrats existants

Il sera possible d’opter au 1er janvier 2019 pour appliquer la TVA dans le cadre de contrats de location existant, qui ne sont pas actuellement soumis à la TVA (eu égard à l’ancien critère de 10% retenu), alors que le bâtiment répond à présent à la nouvelle définition plus large donnée par le projet de loi.  Ce sera par exemple le cas si la surface de bureaux est supérieure à 10 %, mais inférieure à 50 %, sans que la surface de vente ne dépasse 10%.

Pour les contrats qui sont aujourd’hui obligatoirement soumis à la TVA, rien ne change et il ne sera pas nécessaire d’opter pour l’application de la TVA au 1er janvier 2019.

11. Location-financement et droits réels

Les dispositions permettant d’appliquer la TVA sur les contrats de location-financement d’immeubles ou leasing immobilier sont maintenues de sorte que ces services restent taxés de plein droit moyennant le respect des conditions strictes de l’arrêté royal TVA n° 30.

Les choses demeurent également inchangées en ce qui concerne la constitution ou la cession d’un droit réel sur un immeuble.  Ces opérations restent considérées comme des livraisons au sens de la TVA.

12. Location de courte durée

Le projet de loi prévoit une seconde nouvelle dérogation à l’exemption de TVA. A partir du 1er janvier 2019, la location d’un immeuble ou d’une fraction d’immeuble pour une période ne dépassant pas six mois sera soumise à la TVA.  L’application de la TVA sera dans ce cas obligatoire.

Pour le calcul de cette période de six mois, il est tenu compte dans un premier temps de la durée d’utilisation du bien telle que prévue par le contrat.  Le contrat constitue une présomption qui peut être réfutée par tout moyen de fait ou de droit permettant d’établir la durée d’utilisation réelle.  Lorsque la location d’un même bien fait l’objet de contrats de courte durée successifs entre les mêmes parties, il est tenu compte de la durée totale continue d’utilisation du bien au titre de l’ensemble des contrats.

Dans les cas suivants, la location de courte durée restera cependant exemptée (exception à l’exception) :

  • Les locations de courte durée de biens immeubles par nature à des fins de logement (qu’il soit privé, à titre principal, comme résidence secondaire, de loisirs, destiné aux étudiants ou encore à des fins professionnelles),
  • Les locations de courte durée à des personnes physiques qui affectent les biens à des fins privées ou, plus généralement, à des fins étrangères à leur activité économique,
  • Les locations de courte durée à des organisations (avec ou sans personnalité juridique) sans but de lucre,
  • Les locations de courte durée en faveur de certains organismes dont les activités de nature socioculturelles sont visées à l’article 44, §2 du CTVA.

A cet égard, il est précisé qu’une déclaration remplie par le preneur certifiant qu’il remplit les conditions pour pouvoir bénéficier d’une des exceptions à la taxation de plein droit de la location par cette nouvelle disposition, suffira à démontrer, hors cas de collusion entre les parties contractantes, que cette location de courte durée est exonérée de TVA

En revanche, les contrats de location de courte durée en cours resteront soumis au régime actuel jusqu’au terme initial du contrat.