Bâtiments anciens radicalement rénovés : le constructeur professionnel a le choix

Le « constructeur professionnel » est, au sens de la TVA, un « assujetti qui, d’une manière habituelle cède à titre onéreux des biens (immeubles), qu’il a construits, fait construire ou acquis, avec application de la taxe, au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle a lieu leur première occupation ou leur première utilisation ».  Il s’agit d’une qualité de fait, qui ne s’acquiert pas de manière formelle, ni par la demande de l’assujetti, ni par celle de l’administration.

Lorsqu’il a cette qualité, l’assujetti qui vend (ou cède un droit réel sur) un bâtiment « neuf » au sens de la TVA est tenu de soumettre cette opération à la taxe.  A l’inverse, lorsque le bâtiment n’est pas « neuf », ce sont les droits d’enregistrement qui s’appliqueront à l’opération.

La construction nouvelle et la reconstruction après démolition sont indéniablement visées par cette obligation et ce jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle a eu lieu leur première occupation ou utilisation (article 12, §2 du CTVA).

Mais qu’en est-il lorsque le bâtiment n’est pas nouvellement construit ?

Les commentaires TVA permettent d’assimiler à du neuf le bâtiment qui « a subi une modification radicale dans ses éléments essentiels, à savoir dans sa nature, sa structure et, le cas échéant, sa destination » (circulaire TVA n° 16/1973 du 28 juin 1973, n° 10, 3° et Manuel TVA n°152/2).

Dès lors que le degré de modification est souvent malaisé à déterminer, l’administration considère que la transformation est radicale lorsque le coût HTVA des travaux effectués au bâtiment lui-même (hors coût des travaux intellectuels) atteint au moins 60 % de la valeur vénale du bâtiment auquel les travaux sont exécutés, terrain exclu, au moment de l’achèvement de ces travaux.

L’histoire ne disait pas, jusqu’à présent, si cette assimilation était obligatoire ou si elle ne représentait qu’une simple faculté pour le promoteur, mais l’administration avait tendance à considérer, sans le dire clairement, qu’elle était obligatoire (voyez entre autres la Décision TVA n° E.T.120.125 du 13 mai 2014, Civ. Mons 29 juin 2011, RG n° 10/1833/A et la position de T. Lamparelli, La TVA et les taux réduits dans le secteur de la construction, Kluwer, 2012, p. 88).

Or celui qui rénove profondément un bâtiment d’habitation sera souvent intéressé par la possibilité d’appliquer, à la revente, les droits d’enregistrement (10 ou 12,5%) plutôt que la TVA (21%).

En effet, bien que l’application de la TVA lui permettra de récupérer les coûts de TVA grevant ses frais de rénovation à l’entrée, elle représentera également une charge importante pour l’acquéreur du logement qui souvent ne peut pas récupérer la charge de 21% pesant sur son acquisition (qu’il s’agisse d’une personne physique qui l’affecte à son habitation ou d’une société qui la met en location ou à la disposition de son gérant).

Or, pour le promoteur qui rénove des logements, la TVA sur les travaux de rénovation qu’il effectue sera souvent limitée à 6%.  La charge fiscale totale sera donc de 6% + 10% ou 12,5% dans un cas au lieu de 21% dans l’autre.

Deux récentes décisions de ruling confirment le caractère facultatif de l’assimilation d’un bâtiment profondément rénové à un bâtiment neuf au sens de la TVA (voyez les décisions anticipées n° 2015.171 du 13 mai 2015 (point n° 63) et 2015.114 du 10 mars 2015 (point n° 14).  L’administration insiste, « le constructeur professionnel visé par l’article 12, § 2, du CTVA et, a fortiori, les assujettis optionnels visés par les articles 8 et 44, § 3, 1°, a), 3ème tiret, ne sont donc pas tenus de considérer les bâtiments ayant subi des modifications importantes comme étant neufs pour l’application de la TVA et ils peuvent donc les aliéner sous le régime des droits d’enregistrement ».

Ces décisions nous semblent aller dans le sens de la raison.  En effet, si l’article 12, 2, alinéa 2 de la Directive TVA prévoit que « les États membres peuvent définir les modalités d’application du critère (de bâtiment neuf) aux transformations d’immeubles (…) », cette disposition doit, pour s’appliquer en Belgique, être transposée dans notre législation.  La Directive ne peut en effet être invoquée directement contre un assujetti, a fortiori lorsqu’il s’agit de l’une de ses dispositions facultatives.

Or la législation belge ne prévoit pas que les bâtiments profondément rénovés soient assimilés à des bâtiments neufs pour la TVA.  C’est une simple Circulaire (n° 16/1973 du 28 juin 1973), qui n’a pas de portée réglementaire qui en fait état.

Ces deux décisions auront également un impact important pour les promoteurs qui tentaient jusqu’à présent d’échapper à l’application de la TVA en scindant l’opération de vente d’un immeuble « neuf » en deux opérations consistant d’une part dans la vente d’un immeuble « ancien » (à 10 ou 12,5% de droits d’enregistrement) et d’autre part dans la vente d’un contrat d’entreprise visant à effectuer les rénovations à ce même immeuble (à 6% de TVA).

L’administration avait fermement condamné cette pratique dans une décision TVA n° E.T.120.125 du 13 mai 2014, estimant que « de telles opérations de livraison suivie de rénovation ou de démolition/reconstruction forment donc, au regard de la TVA, une opération unique dont l’objet est la livraison d’un immeuble en état d’achèvement futur (sur plan), qu’il y ait un ou plusieurs acheteurs et que l’immeuble concerné soit ou non soumis au régime de la copropriété forcée. La livraison de cet immeuble et du terrain attenant est donc soumise à la taxe au taux normal, qui s’élève actuellement à 21 % ».

La problématique persiste en cas de démolition-reconstruction.  Mais les deux décisions de ruling précitées devraient être appréciées des professionnels qui pourront à présent rénover à 6% et revendre ensuite à 10 ou 12,5% (en état rénové bien entendu).

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